LA CHANSON DE JÉRÔME
sortie nationale le 16 octobre 2024
Ce film a pour origine l’histoire tragique qui est arrivée à un éleveur de Saône-et-Loire. Il s’appelait Jérôme Laronze, il est mort le 20 mai 2017 abattu par un gendarme. Il avait 36 ans. Sur place nous avons rencontré les gens que vous allez voir dans le film. Plusieurs le connaissaient, certains étaient ses amis. Avec eux, nous avons voulu rejouer ce qui s’est passé. Olivier Bosson.
"1. Il faut faire des films politiques. 2. Il faut faire politiquement des films" écrivait Jean-Luc Godard en 1970 dans son manifeste « What is to be done ? » pour la revue Afterimage. En choisissant de filmer à proximité des lieux mêmes du drame et en impliquant près de 160 habitants des environs et du département de la Saône-et-Loire, le réalisateur Olivier Bosson ancre son récit dans la réalité d’une communauté rurale et offre une réponse concrète et contemporaine à l’appel de Godard.
Le film ne se contente pas de documenter l’escalade tragique étape par étape ; il est d’abord une expérience collective de reconstitution, de création et de mémoire. Le re-enactment (reconstitution) participatif devient ici un outil de résistance et de questionnement citoyen. En mettant en scène par l’absurde les procédures administratives et en soulignant les liens entre l’agro-business et l’administration en tant qu’énonciateurs des règles du jeu social, Bosson et les habitants mettent en avant les puissances de domination qui s’exercent sur les paysans : pression psychologique, censure, harcèlement, et autres manières d’isoler les voix discordantes et broyer les individus.
Bosson montre notamment comment les affects et les détestations personnelles contribuent à la violence systémique et renforcent la volonté d’assujettissement, d’humiliation (on voit un agent de la DDPP essayer d’arranger les choses de bonne foi, par contraste avec cette agente qui a pris Jérôme en détestation).
Mais la force de La Chanson de Jérôme réside aussi dans sa capacité à tisser le tragique avec le rire. Le film opère par l’absurde pour dénoncer l’instrumentalisation de la science et l’usage des technologies comme moyens de contrôle du productivisme. La place du drône et la scène grinçante de "non-régularisation" évoque d’ailleurs le ton débonnaire et irrévérencieux d’un Luc Moullet qui aurait gobé un GPS !
Il y a beaucoup de choses infimes, très fines et inventives dans la forme que le réalisateur donne à cette reconstitution, le moindre cadre, mouvement d’appareil, choix de montage image et son semblent guidé par un pacte collectif tacite à la mémoire de Jérôme, qui pourrait consister, en toute hypothèse, à porter haut le dialogue citoyen pour libérer une parole d’émancipation et de transition.
Bruno Granado, pour abers lab
Produit par La Société des Apaches, Distribué par Tangente Distribution, sortie en salle le 16 octobre 2024
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